Storytelling stratégique
Un récent article de Forbes[1] évoquait l’importance du story building pour améliorer les performances des entreprises, notamment en assurant une bonne gestion du changement. L’auteur fait une distinction entre construction (building) et narration (telling), mais dans les deux cas, l’histoire reste un élément clé à travailler et surtout un élément moteur à plusieurs niveaux :
Raconter pour aligner
L’entreprise doit définir et suivre une direction claire. L’histoire aide à matérialiser cette direction, en mettant en scène la vision, la mission et les valeurs de l'entreprise de façon inspirante. À ce niveau, le rôle et l’implication des dirigeants est essentiel : par leurs actions et leur engagement, ils contribuent à construire, puis diffuser et enfin incarner les récits qui visent à faire adhérer au changement.
Raconter pour bâtir une culture
La culture d'une organisation est fortement influencée par les récits qui y circulent. Le storytelling aide à construire et à renforcer cette culture en permettant aux employés de se reconnaître dans une histoire commune, qui reflète les aspirations et les valeurs de l'entreprise. C’est un très bon outil notamment dans le cas de fusion où les cultures peuvent se télescoper.
Raconter pour changer
Les efforts de changement culturel génèrent souvent de la résistance. Le storytelling facilite la transition en mettant l’accent sur des histoires de succès (basées sur des exemples concrets). Le but est de favoriser l’inspiration et donc la motivation à adhérer à la nouvelle culture.
Raconter pour partager
Puisque l’objectif du storytelling est toujours de faire passer à l’action, l’implication des employés est essentielle. Ils doivent contribuer à la création du récit en partageant leurs propres histoires. Ce faisant ils renforcent leur sentiment d'appartenance.
Le storytelling en entreprise doit être considéré comme un outil stratégique qui, lorsqu'il est utilisé efficacement, peut transformer la culture, favoriser l'alignement stratégique et engager les employés dans une vision commune.
Quelques exemples :
Google : Pour attirer les meilleurs talents, Google raconte l'histoire d'une entreprise où l'innovation est encouragée et où la liberté de créer est fondamentale. Les histoires de projets nés lors des "20 % de temps libre" (comme Gmail) renforcent cette image, même si l’initiative n’est plus en cours.
Deloitte : Deloitte a lancé le programme "Green Dot Story[2]" pour renforcer l'identité de la marque auprès de ses employés. Notamment à la suite de l’obligation de réintégrer une filiale qui devait initialement être vendue… Le pois vert à la fin du logo est devenu le symbole de la réunification.
Ford : Lorsque Ford a décidé de ne pas accepter de soutien financier gouvernemental pendant la crise financière de 2008, l'entreprise a raconté cette histoire à ses employés comme un témoignage de l'intégrité et de la résilience de l'entreprise.
IBM : L'initiative "IBM ValuesJam" était une session de 72 heures pendant laquelle les employés étaient invités à discuter et à définir les valeurs fondamentales d'IBM. Si les premiers retours étaient négatifs (les employés manifestaient rancœur et mécontentement), les contributions ont évolué et permis de redéfinir les valeurs d'IBM (et comment elles pouvaient s’inscrire dans les tâches de chacun) et le mandat du PDG.
Ces initiatives internes, renforcées par le storytelling, ont pour but de créer un sentiment d'appartenance, d'aligner les employés sur une vision commune et de promouvoir les valeurs de l'entreprise.
Bien sûr le storytelling se manifeste aussi à l’externe.
Storytelling et clients
Cet aspect du storytelling relève plus de la publicité. Néanmoins, il s’appuie sur les mêmes ressorts et vise des objectifs similaires : faire adhérer et pousser à l’action (en l’occurrence acheter le produit ou le service).
Il mérite de s’y attarder un instant car les publicités les plus efficaces reposent aussi sur des émotions, tout en restant alignées avec le storytelling interne.
Apple ne vend pas des téléphones, elle améliore la vie de ses usagers. Nike ne vend pas des chaussures mais le dépassement de soi, IBM ne vend pas des ordinateurs, il aide ses clients à réussir.
Ces quelques exemples reflètent bien le lien entre la culture développée à l’interne et les messages véhiculés à l’externe.
Les dissonances existent et elles peuvent faire mal. Fut une époque où Google promouvait le « Don’t be evil », devenu en 2015 « Do the right thing ». On peut se demander comment cela s’accorde avec ses récentes menaces de ne plus référencer les nouvelles journalistiques canadiennes dans son moteur de recherche[3].
Revenons au storytelling, qui peut aussi être mis à profit à une échelle plus modeste : celle de l’équipe!
Storytelling et mon équipe
Le storytelling peut être un outil puissant pour engager, motiver et aligner les employés autour d'une vision ou d'une initiative interne. Voici comment cela pourrait être mis en œuvre :
Le storytelling pour définir l'identité de l'équipe
Chaque équipe ou service a sa propre culture, ses propres défis et ses propres réussites. Raconter l'histoire de la formation de l'équipe, des obstacles surmontés et des succès remportés aide à forger une identité commune. Son histoire doit toutefois rester cohérente avec celle de l’organisation.
Le Storytelling et les contributions individuelles
Partager des histoires sur les membres de l'équipe qui ont fait preuve d'innovation, qui ont surmonté des défis ou qui ont apporté une contribution significative, permet de valoriser les efforts réalisés et d’inspirer d'autres employés.
Le storytelling pour clarifier la vision et les objectifs
Utiliser des récits permet d’illustrer la vision de l'équipe ou du service. Notamment si l’équipe a grandi rapidement ou si la structure organisationnelle a changé… et qu’un certain flou s’est installé.
Le storytelling pour renforcer la culture et les valeurs
Si l'équipe valorise certaines compétences ou comportements (comme la collaboration, l'innovation ou la résilience), utiliser des histoires permet de mettre ces valeurs en action. Dans les moments difficiles, partager des histoires de défis précédemment surmontés peut être un puissant motivateur.
Le storytelling pour faciliter l'intégration des nouveaux membres
Pour les nouveaux venus, entendre des histoires sur les réussites passées, les traditions de l'équipe ou même les erreurs et les leçons apprises peut aider à s'intégrer plus rapidement et à comprendre la dynamique de l'équipe.
Le storytelling pour célébrer les succès
Chaque fois que l'équipe atteint un objectif ou remporte un succès, raconter cette histoire renforce le sentiment d'accomplissement et donne de la valeur au travail accompli. C’est aussi une bonne façon de montrer de la reconnaissance envers les contributions des uns et des autres.
Et la liste pourrait continuer…
En bref
Le storytelling est un outil polyvalent qui peut être adapté à divers contextes et échelles, que ce soit au niveau stratégique « macro » ou au niveau plus modeste « micro » d’une équipe. Utilisé judicieusement, il peut renforcer la cohésion, donner du sens au travail quotidien et contribuer à l’atteinte des objectifs.
Storytelling en affaires : informer, convaincre et mener à l'action
[1] How ‘Story Building’ Can Help Boost Your Business Performance
[3] Google menace de bloquer les nouvelles canadiennes dès décembre
