Le travail hybride en quelques chiffres
Selon un sondage mené par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), 93 % des employeur·euses du Québec ont fait l’expérience des divers modes hybrides de travail au cours de la dernière année. Le mode le plus fréquemment mis en place – par une organisation sur deux – est le modèle qui exige des employé·es une présence minimale, prédéterminée par l’employeur·euse et selon une formule fixe (par exemple deux jours par semaine au bureau).
Certaines données s’imposent, à la lumière de l’étude proposée par Julhiet Sterwen : 78 % des répondant·es considèrent que le travail hybride a un impact positif dans leur vie. On y soulève notamment la question de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Ils et elles ne sont que 4 % à mentionner que l’hybridation nuit à leur productivité. Fait intéressant, 53 % des répondant·es considèrent aujourd’hui que le travail hybride est un critère qui les attirera vers une organisation plutôt qu’une autre.
Un modèle qui contient ses risques
Les risques psychosociaux ne sont jamais bien loin lorsqu’on parle du phénomène hybride. L’étude aborde en premier lieu le risque de l’hyperconnexion où l’employé·e n’a plus de possibilité de « décrocher ». Il ou elle traîne son téléphone portable avec lui ou elle, peut recevoir un appel en tout temps, il ou elle reste branché·e sur ses courriels, etc. La chercheure Sonia Lupien mentionnait en entrevue que lorsqu’on est constamment dérangé par les courriels, les messages sur Teams ou Slack, les notifications des réseaux sociaux, le bruit, les textos ou encore les rappels Outlook, notre attention est fragmentée. C’est ce qui fait bondir notre stress et chuter notre productivité, puisque chaque interruption nous fait perdre un temps fou.
Ainsi, chaque semaine, on note que 500 000 Canadien·nes s’absentent du travail pour cause de troubles mentaux liés au stress. Autrement dit, l’employé·e ne quitte plus le bureau… puisque le travail le suit partout. On mentionne également que le nombre de courriels reçus quotidiennement par un·e employé·e a augmenté de 45 % et que cela laisse moins de place à la réflexion et aux tâches essentielles. Une autre donnée inquiète : 41 % des employé·es se sentent isolés de leurs collègues.
L’obligation de s’adapter
Face à cette réalité, tou·tes les professionnel·les doivent s’adapter et cela vaut aussi pour les gestionnaires qui doivent développer de nouvelles façons de recruter, de fidéliser et de satisfaire leurs employé·es. Les gestionnaires n’ont d’autre choix que de s’adapter en utilisant des méthodes basées sur la communication, l’écoute et la confiance, dans la mesure où les équipes peuvent être dispersées aux quatre coins du globe (ou plus modestement, de la province). On note que c’est d’ailleurs la première fois que ces habiletés sont mises en valeur dans un Baromètre Phygital Workplace.
Est-ce que les employé·es reviendront au bureau à temps plein? Oubliez cela, si on en croit cette étude. Pour favoriser la créativité, la concentration et la conciliation entre le travail et la vie personnelle, plus de 50 % des répondant·es estiment que le travail à distance est la meilleure option.
De son côté, la chercheure Sonia Lupien fait notamment la distinction entre le stress “du” travail et le stress “au” travail. Avant la pandémie, on croyait que les éléments stressants se trouvaient au travail (un collègue hostile, congestion routière pour se rendre au travail, etc.), mais on a réalisé que nous vivons le stress “du” travail (le travail en soi, que l’on soit au bureau, à la maison ou sur le sommet d’une montagne à Bali!).
À son avis, afin de réduire le stress, inclure 2 à 3 jours de travail en présence par semaine serait une option envisageable. Elle propose que les journées à la maison soient consacrées au travail en profondeur, tandis que les journées au bureau servent aux réunions et à la collaboration avec les collègues. En bref, le mode hybride ne résout pas tout.
Pour conclure
Les gestionnaires doivent se faire à l’idée, le télétravail est là pour rester et il n’en tient qu’à eux d’entreprendre des initiatives afin de favoriser la collaboration, la créativité et la productivité des employé·es. Par-dessus tout, le télétravail est attractif pour la forte majorité des employé·es. « Notre insistance à faire du travail en présence la valeur par défaut est héritée d'une époque antérieure où les outils n'étaient pas conçus pour la vitesse et l'efficience », a expliqué Alexia Cambon, directrice de la recherche chez Gartner. « Nous devons ajuster la façon dont nous exploitons tous les modes de travail à notre disposition », mentionne-t-elle.
Il faut également mentionner qu’il ne semble pas exister de formule miracle qui convienne à tous les types d’organisations. C’est donc à chaque entreprise de trouver la solution qui lui convient le mieux, notamment selon son secteur d’activité. Maintenant, la question se pose à savoir quelles seront ces initiatives permettant à la fois productivité, collaboration, communication et bien-être. À suivre…
Pour aller plus loin :
Rétention de talents : les clés pour fidéliser vos collaborateurs
Sources :
ContentSquare, « Phygital : Définition, enjeux, cas pratique ».
FOCUS RH, « Baromètre Phygital Workplace : L’hybridation triomphante ».
Ordre des CRHA, « Les organisations continuent d’expérimenter de nouveaux modèles de travail », 30 août 2023.
Gartner, 2023. « 4 modes de collaboration pour réussir le travail hybride ».
Fournier, Marie-Ève. “La solution pour réduire le stress au travail existe”, La Presse, 7 janvier 2024.
Lapierre, Sébastien (CKOI). Entrevue radio avec Sonia Lupien, 1er décembre 2023.
Photo de Annie Spratt sur Unsplash