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Comment être créatif au profit de l’entreprise

Sophie Morin
Comment être créatif au profit de l’entreprise

Pour la plupart d’entre nous, faire preuve de créativité n’entre pas dans la liste des tâches de notre poste. Pourtant, générer des idées (l’idéation) est une aptitude qui peut être développée et qui devrait occuper une place significative dans l’entreprise, afin de mettre les idées de chacun (même celles qui peuvent sembler loufoques) au service de l’organisation et de ses performances. D’autant que la créativité est, en quelque sorte, aux sources de l’innovation.

Chaque entreprise en est donc dépendante, que ce soit pour révolutionner son marché ou, plus modestement, gagner en efficacité. Dans les deux cas, la créativité est à l'œuvre, même si elle n'est pas toujours identifiée comme telle. Pour qu’elle occupe la place qui lui revient dans les organisations, il faut commencer par remettre en cause quelques idées reçues. Une fois fait, il est possible de mettre en place un environnement propice à son épanouissement.

Sophie Morin, experte et chargée de cours en enseignement de la créativité, nous en dit plus.

Qu’est-ce que l’idéation ? Peut-on devenir créatif ?

Sommairement, l’idéation est le processus créatif de production, de développement et de communication de nouvelles idées ou produits.

La créativité se retrouve donc sur le même plan que n’importe quelle compétence! Il faut la travailler pour la développer et la mettre en pratique efficacement. Ce n’est pas différent de l’apprentissage d’Excel, de la gestion de projets ou de la programmation en C#. Cette familiarisation avec la créativité permet de mieux la comprendre, de la relativiser et de la rendre plus accessible qu’il n’y paraît. 

La créativité est-elle innée ?

Contrairement à certaines croyances erronées, mais qui ont la vie dure, la créativité n’est pas l’apanage de certains individus qui en seraient dotés de façon innée, comme des artistes. D’ailleurs, quand certains recruteurs, lors d’entretiens d’embauche, demandent aux candidats s’ils sont créatifs, ils ne veulent pas savoir si ces derniers savent peindre ou chanter. Ce que les recruteurs cherchent à déterminer c’est la capacité des postulants à s’adapter à des contraintes professionnelles changeantes et, au besoin, de trouver des solutions originales à un défi afin de tenir leurs livrables. Cette créativité, comme celle de l’artiste d’ailleurs, s’acquiert à force de travail et de pratique. Picasso n’a pas inventé le cubisme un matin par hasard. C’est au contraire le fruit de longues années d’apprentissage et d’exploration. C’est parce qu’il a d’abord appris l’anatomie, qu’il a pu la déconstruire. De Vinci a mis au point le sfumato, un procédé qui donne à la Joconde son regard si particulier, grâce à son travail acharné, autant comme peintre, que comme ingénieur…

Si, comme pour toute compétence, certains ont un bagage plus important ou une facilité plus évidente que d’autres au départ, la créativité peut se développer. Edison a dit (sous toutes réserves) “Le génie est fait de 1% d’inspiration et 99% de transpiration”. Le 1% c’est le fameux don et les 99% c’est le travail pour en faire quelque chose. Si vous vous reposez seulement sur votre 1%... il est possible que vous n’alliez pas bien loin. 

Rappelons-le, encore et encore, la créativité n’est pas l’art. Le chauffeur de taxi qui doit déterminer un nouvel itinéraire en raison d’un obstacle inattendu, sans gps, fait preuve de créativité. Et il sera d’autant plus créatif, qu’il aura développé son expertise en parcourant la ville en long, en large et en travers. Le parent qui arrive un peu tard à la maison et doit cuisiner un repas vite fait bien fait pour la famille, fait preuve de créativité pour évaluer le contenu du frigo afin de préparer un plat comestible. L’agent administratif qui doit réorganiser l’agenda de son gestionnaire suite à un changement de dernière minute, sans froisser les uns et les autres, fait preuve de créativité. Pour tous ces exemples, avec le bon encadrement et un temps de pratique adéquat, nous pouvons tous devenir plus efficaces, plus performants.

La créativité est-elle l’innovation ?

Attention à ne pas assimiler créativité et innovation. Cette dernière peut être définie comme la résultante de la créativité.

Ce qui ne veut pas dire que l’innovation est moins importante. C’est simplement distinct de la créativité. Toutes les organisations, quels que soient leurs secteurs d’activité, ont d’ailleurs besoin d’innover pour rester compétitives. À moins de siphonner les idées de leurs concurrents, elles n’ont donc d’autre choix que de favoriser une forme de créativité, qui leur permettra d’innover. 

Comment favoriser la créativité en entreprise ?

Comme pour n’importe quelle autre compétence : en la travaillant et en donnant un cadre propice à sa mise en pratique. Ce qui signifie aller un peu plus loin que de scander aux équipes des “soyez créatifs" ! ou encore des “pensez en dehors de la boîte” ! Favoriser la créativité doit commencer par un changement de la culture organisationnelle. Traduction : une organisation aura des talents créatifs si elle leur en donne les moyens. 

Cela peut être une piste de développement de la marque employeur, à une époque de pénurie de main d'œuvre. Limiter le taux de roulement et attirer de nouveaux talents peut passer par un positionnement qui met de l’avant l’ouverture aux propositions, l’écoute des suggestions, etc. Pour une personne, savoir que son point de vue sera écouté, voire encouragé, peut se révéler une puissante motivation à rester ou rejoindre une organisation. Mais attention, il arrive souvent que les intentions aillent dans ce sens, mais que les actions ne suivent pas toujours! Il ne faut pas seulement le dire, il faut le faire, pour vrai.

Ça tombe bien, un article du Monde (paru en 2018) révélait que les compétences comportementales (soft skills) d’un individu, comme la capacité d’idéation, sont parmi les traits les plus recherchés par les employeurs autour du globe. Ce qui est logique : l’idéation permet de trouver des solutions créatives face à des enjeux.

Les conditions favorables à la créativité :

Développez une culture organisationnelle qui stimule et assume le risque créatif.
Dans le cadre d’un processus d’idéation, on ne cherche pas à obtenir LA meilleure idée de prime abord, mais plutôt à générer le plus grand nombre d’idées possibles. Celles-ci nous permettront de rebondir les unes sur les autres, tout en les améliorant au passage. Ouverture et écoute sont certainement des mots-clés mais encore faut-il les appliquer. L’auto-censure et le jugement font partie de notre nature et l’on doit se pratiquer à les combattre. Le dire est clairement plus facile que le faire!

Portez une attention particulière à la préparation de la séance d’idéation afin de permettre aux participants d’optimiser leur potentiel créatif individuel et en groupe. Avoir un animateur formé, comprenant les enjeux de l’idéation et de l’exercice de créativité qui en découle, est un facteur important pour rassembler des conditions favorables à la réussite du processus.

Faites des simulations. Organisez ou participez à des séances créatives qui n’ont pas d’objectif organisationnel défini. Cela permet de se familiariser avec la méthode, sans avoir la pression de la performance, de sentir l’obligation de trouver une solution. Comme quand une équipe Microsoft s’est donnée pour mission de proposer le pire produit qui soit lors d’une séance de remue-méninges. 

Testez différentes approches. Ce n’est pas parce qu’une approche a fonctionné une fois, qu’elle sera adaptée au prochain défi à relever. Mais l’inverse est aussi vrai. C’est pour cette raison que faire des simulations est pertinent. Ayez quelques approches que vous répétez (pour devenir meilleurs!) que vous réutilisez en rotation pour éviter la routine et renouveler l’intérêt.

Ne faites pas trop de tri. Avec un peu de chance (et surtout du travail), vous aurez de nombreux participants et encore plus d’idées intéressantes. Quand viendra le temps de creuser les meilleurs concepts, ne mettez pas tout de suite de côté les idées qui semblent peu réalistes. Elles peuvent avoir un potentiel inattendu, comme solution en elles-mêmes ou comme tremplin pour amener l’idée (ou la combinaison d’idées) qui sera finalement choisie. Qui aurait pensé qu’un Cirque sans animaux aurait eu un succès planétaire?  Ou encore pouvoir prendre des photos avec un téléphone… mais pourquoi donc? Et que dire de Pokemon Go : chercher des personnages animés virtuels partout autour de soi. Il ne faut pas avoir peur de creuser le potentiel de certaines idées et remettre en question ce qui pourrait être des biais de départ.

Acceptez qu’il y ait des déchets. Ne nous voilons pas la face : développer la créativité donnera quelques bonnes idées (les choisies) et beaucoup de « moins bonnes » (celles qui servent à faire avancer la réflexion). « Beaucoup d’appelés et peu d’élus » dira-t-on. Cela fait partie du processus.

Conclusion

La créativité et l’idéation ne sont pas différentes des autres compétences. Il est possible de les développer et de les mettre à profit dans le cadre professionnel. Mais, comme pour les autres compétences, il faut s’assurer d’avoir des ressources adéquates pour soutenir le processus et les équipes. Il n’existe ni recette ni baguette magique permettant de garantir l’efficacité absolue des processus d’idéation et ce, du jour au lendemain. Il faut construire l’environnement (physique et humain) qui sera en mesure d’optimiser le processus créatif. Que de travail certes, mais oh que de plaisir aussi !!!  

Pour en savoir plus :

Créativité : mettre l'idéation au service de l'organisation

 

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Photo par Mulyadi sur Unsplash

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