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Comment affronter l’incertitude quand on est gestionnaire d’équipe ?

Edouard Le Marechal
Comment affronter l’incertitude quand on est gestionnaire d’équipe ?

Vous l’avez sans doute remarqué aussi, le contexte dans lequel nous évoluons devient chaque jour plus instable, plus imprévisible. D’une part au niveau global, avec des événements économiques, sanitaires, technologiques, géopolitiques dont les conséquences se font ressentir au quotidien. D’autre part au niveau de l’entreprise, avec une activité plus irrégulière, des décisions stratégiques plus brusques, motivées par le besoin de coller au mieux aux standards économiques.

Cela engendre une imprévisibilité de l’activité et les conséquences sont nombreuses quand on doit gérer le travail d’une équipe.

L’imprévisibilité : des conséquences fonctionnelles, mais aussi humaines

La première conséquence de l’imprévisibilité d’une situation est évidente  : les processus de l’organisation du travail perdent de leur efficience. Ils ne sont plus applicables en l’état, il faut les adapter, les modifier plus ou moins ponctuellement. Cela se traduit par un écart avec une situation « normale », les indicateurs de performances se dérèglent, l’atteinte des objectifs s’éloigne.
La plupart du temps, l’écart de performance est négocié avec la Direction, de manière à le réduire en prenant des mesures exceptionnelles ou bien à en réduire les conséquences sur le fonctionnement globale de l’organisation.

Mais la seconde conséquence est plus profonde : l’équipe perd de sa cohésion et de son efficacité collaborative. Comme si face à l’imprévisibilité de la situation, chaque employé.e se sentait désengagé.e et devait se replier sur sa situation individuelle au détriment de la cohérence collective.

Des réactions hétérogènes dans l’équipe qui brident la coordination

L’imprévisibilité est une caractéristique qui entraîne une perte de repères chez ceux et celles qui la vivent. Les réactions à cette perte divergent parce que les traits de caractère individuels conduisent à une perception différente face à l’incertitude. Pour s’en convaincre, il suffit de se poser la question : l’incertitude représente-t-elle une menace ou une opportunité ? La réponse dépend de notre compréhension du contexte, mais pas uniquement. La tolérance à l’ambiguïté, le désir d’autre chose, des expériences passées, etc. vont conduire chaque personne à considérer une situation imprévisible avec plus ou moins de confort, de réactivité, de capacité à voir au-delà…

Pour le gestionnaire, il y aura autant de dynamiques individuelles que de membres de son équipe.

  • Cela conduit à un premier déséquilibre organisationnel, puisque les relations entre les membres s’en trouvent affectées.

Des réactions qui évoluent au cours du temps

On s’adapte à tout, même à l’imprévisibilité. Mais chacun.e le fait à son rythme. De la sidération initiale, de la paralyse face à l’imprévu, on passe à des réactions correctives effrénées, puis à des moments de recul, voire de découragement… Pour le gestionnaire qui vit ces changements émotionnels et qui assiste à ceux des membres de son équipe, il est d’autant plus difficile d’agir que d’un jour à l’autre, les postures évoluent.

  • Le deuxième déséquilibre organisationnel se traduit alors par l’incapacité temporaire des employé.es à accomplir leur mission de façon continue et standard. Les dynamiques individuelles sont instables et la coordination s’en ressent.

Des réactions dont on ne sait pas si elles sont pertinentes

Très souvent, on confond imprévisibilité avec changement. Le gestionnaire, en particulier, doit réagir face à la perte de repères et en créer de nouveaux pour permettre la remise en action de son équipe. Or, parfois une situation incertaine ne conduit à aucun bouleversement, soit parce que ses conséquences ont été mal calculées, soit plus simplement parce que l’incertitude est passagère et que tout rentre dans l’ordre. Entretemps, les équipes se sont désorganisées puis réorganisées selon une autre logique, certains liens interpersonnels se sont distendus, et même, parfois, des antagonismes se révèlent entre des personnes ou des fonctions. Comment retourner en arrière, ou simplement reculer pour se réadapter à une situation stable et proche de l’initiale ?

  • C’est le troisième déséquilibre organisationnel qui guette le gestionnaire, celui de la réaction excessive. La tentation et la pression sont grandes pour que des mesures fortes soient prises pour permettre à l’équipe de se remettre en ordre de marche le plus vite possible avec de nouveaux processus, de nouveaux objectifs, de nouveaux indicateurs.

Si ces décisions sont trop hâtives, le gestionnaire devra faire face à des « tout ça pour ça » et à des « je vous l’avais bien dit » de la part de son équipe. Il y perdra probablement un peu de confiance, qu’il paiera au prix fort lors de la prochaine situation imprévisible.

Si ces décisions sont trop hâtives, le gestionnaire devra faire face à des « tout ça pour ça » et à des « je vous l’avais bien dit » de la part de son équipe. Il y perdra probablement un peu de confiance, qu’il paiera au prix fort lors de la prochaine situation imprévisible.

Si ces décisions sont trop hâtives, le gestionnaire devra faire face à des « tout ça pour ça » et à des « je vous l’avais bien dit » de la part de son équipe. Il y perdra probablement un peu de confiance, qu’il paiera au prix fort lors de la prochaine situation imprévisible.

L’incertitude : l’occasion d’enrichir sa posture de gestionnaire

Des réactions d’équipe hétérogènes et instables face à une demande de l’organisation de recréer de la prévisibilité : voilà la tension à laquelle est exposé le gestionnaire confronté à l’incertitude de sa situation de gestion. Comment faire pour transformer cette tension en dynamique au service de sa mission ?

Le premier réflexe consiste à compenser l’imprévisibilité pour revenir à une situation à nouveau pilotable de façon linéaire. Ce choix est épuisant individuellement, couteux en termes de cohésion d’équipe et son succès est loin d’être garanti.

Il existe une alternative, celle d’accepter l’incertitude comme partie intégrante du contexte (et non pas comme un accident de parcours). Ce faisant, la cohésion de l’équipe peut être maintenue et surtout il devient possible de coordonner à nouveau les dynamiques individuelles. Cette nouvelle forme de gestion est de plus en plus attractive ; elle nécessite de nouveaux outils de gestion.

Les gestionnaires qui intègrent l’imprévisibilité dans leur posture et leur feuille de route vont donc appliquer quelques principes inédits :

  • Il n’y a ni bonne, ni mauvaise réaction face à l’imprévisibilité. Chaque attitude possède des avantages et des inconvénients. Les gestionnaires, au même titre que les employé.es doivent donc accueillir la diversité des réactions (y compris la leur) sans jugement.
  • Prendre conscience au niveau individuel et collectif des réactions engendrées par l’imprévisibilité est bénéfique à la cohésion de l’équipe : dans un contexte d’imprévisibilité, chaque gestionnaire doit donc favoriser l’expression des points de vue différents et les présenter comme tous acceptables.
  • Les gestionnaires doivent considérer l’imprévisibilité comme annonciatrice de changement... tout en envisageant que ce ne sera pas forcément le cas, et accepter que la situation revienne simplement à la normale.

Adopter ces principes c’est, en définitive, affirmer qu’être gestionnaire ce n’est pas éviter les situations imprévisibles ou les corriger pour son équipe. C’est au contraire aider son équipe à devenir plus intelligente et plus solidaire individuellement et collectivement en acceptant l’incertitude en tant que telle.  

Pour aller plus loin : 

Leadership : Stimuler son équipe face à l'imprévu

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