Solliciter les connaissances
Imaginons que vous êtes dentiste. Après une journée de travail, pour vous détendre, vous allez au cinéma. Bien calé dans votre siège, vous êtes absorbé par l’intrigue et vos connaissances en dentisterie vous sont parfaitement inutiles : celles-ci se mettent donc en veille.
Toutefois, pendant le film, une scène montre un personnage qui va chez son dentiste… aussitôt cela réveille en vous quelques connaissances. Et plus la scène est précise (les dialogues font référence à certains actes, on voit bien les outils utilisés…), plus vos connaissances s’activent, comme si vous étiez prêt à passer à l’action (même par écran interposé). Pourtant, à ce stade, votre compétence n’est pas sollicitée, puisque ce n’est pas vous qui réalisez l’acte médical, mais le dentiste du film. Dès que cette scène est terminée et que l’intrigue poursuit son cours, vos connaissances se remettent en veille...
Mettre en œuvre la compétence
… Jusqu’au lendemain matin, quand vous commencez votre journée de travail. Alors que vous recevez votre premier patient, le bal des connaissances reprend : elles s’éveillent et sont disponibles pour répondre aux demandes de la compétence! C’est elle qui dirige le bal... À mesure que vous vous mettez en action, votre compétence se déploie en faisant appel à telles connaissances ou telles habiletés, selon le besoin. C’est la compétence qui aide à prendre les bonnes décisions, à envisager une hypothèse plutôt qu’une autre. La compétence agit comme un chef d’orchestre qui guide les musiciens selon la partition à jouer. Elle appelle les connaissances pertinentes, les combine, les mélange, les associe à telle ou telle habileté, pour produire le meilleur résultat possible.
(Toutes les connaissances et toutes les habiletés sont prêtes, mais la compétence attend le chef pour se manifester. Toute compétence est essentiellement évanescente, car elle n’existe qu’entre la première et la dernière note.)
Dans une journée cela se produit autant de fois qu’il y a de patients à traiter. La compétence va se manifester systématiquement, mais avec des nuances et des variantes, selon le contexte : un dentiste ne traite pas à l’identique une carie et un implant par exemple, bien que tous deux nécessitent des connaissances en dentisterie.
Des connaissances encodées, mais une compétence à recréer sans cesse
L’exemple volontairement simplifié du dentiste vise à souligner les différences fondamentales entre connaissance et compétence.
Nos connaissances restent présentes, stockées et encodées dans notre cerveau, même pendant que nous faisons autre chose (comme regarder un film). C’est notre matériel brut qui nous permet de passer à l’action.
Notre compétence, au contraire, n’est pas encodée. Elle se crée chaque fois, pour répondre à un besoin précis, dans un cadre spécifique. La compétence se fait, se manifeste en contexte !
Être compétent et compétente, c’est donc être capable de choisir dans notre tête les connaissances, les habiletés et les attitudes qui nous permettront de réaliser une tâche complexe spécifique, à un moment précis. Ce qui explique que face à un problème identique, deux personnes avec des connaissances similaires peuvent exprimer différemment leur compétence. Ce qui implique aussi qu’on n’est jamais compétent une fois pour toutes, mais on le montre, on le démontre avec succès... la plupart du temps !
Conclusion
La compétence est l’art de sélectionner et de combiner nos connaissances, nos habiletés et nos attitudes, de jongler avec ces richesses cognitives pour produire un résultat de qualité dans un contexte unique. Demain, il nous faudra encore démontrer notre compétence...
Puisque la compétence n’a pas d’existence en dehors de l’action, elle doit s’apprendre DANS l’action, en contexte authentique. Il serait complètement illusoire de prétendre « enseigner une compétence »! Pour qu’un apprenant développe une compétence, il faut créer un environnement d’apprentissage qui le mette en action et qui l’oblige à jongler avec son propre matériel cognitif : connaissances, habiletés et attitudes. Il faut aussi offrir un environnement sécuritaire pour autoriser les erreurs.
Oui, c’est exigeant, mais c’est le prix à payer pour développer des outils aussi puissants que les compétences.
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