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Formation : et si on osait regarder la réalité en face

Françoise Crevier
Formation : et si on osait regarder la réalité en face

La formation des adultes en milieu de travail s’appuie souvent sur des hypothèses sans fondements. On reproduit les mêmes approches, d’année en année, sans tenir compte des avancées et des découvertes scientifiques, notamment des données probantes issues des neurosciences. Mis à part les outils technologiques, on enseigne comme au temps de Socrate.

Le transfert de connaissances n'existe pas

 La plupart des formations sont transmissives et déductives. Pourtant, au milieu des années 60, Jean Piaget formulait l’hypothèse suivante : une personne qui apprend ne peut absorber les connaissances de ses enseignants; les connaissances sont des constructions individuelles que chacun fabrique à SA façon, grâce à ses propres réseaux neuronaux et en exploitant ses connaissances antérieures.  Une connaissance est aussi personnelle qu’un... grain de beauté sur le nez! Personne ne pourrait vous aider à créer un grain de beauté parce que personne n’a d’emprise sur votre épiderme, pas plus que sur vos neurones et les encodages de connaissances que vous faites.

Celui qui sait vs celui qui apprend

Cette hypothèse formulée par Piaget a été confirmée par des expériences récentes menées en neurosciences[1]; on sait maintenant que pour apprendre, il faut relier des neurones et il faut investir de l’énergie. Pas d’énergie investie, pas d’apprentissage durable! Aussi simple que ça.

Quand un expert, aussi bon soit-il, donne un cours, c’est qu’il a réalisé les activités suivantes : il a délimité un contenu, il a organisé ce contenu du point de vue de celui qui sait (et non pas du point de vue de celui qui doit apprendre), il a préparé des diapositives ce qui le place forcément en mode transmissif et il a peut-être pensé à ajouter des exercices qu’il proposera après ses explications.

Dans cette séquence, tout diverge de la pensée de Piaget qui dirait plutôt :

  • Redonnez l’initiative aux participants en préparant des environnements d’apprentissage propices à la découverte,
  • Donnez-leur des défis à surmonter,
  • Faites-les travailler en équipe afin de faire émerger les connaissances grâce à l’intelligence collective,
  • Faites des retours en groupe pour confronter les trouvailles des équipes, provoquez la controverse au besoin,
  • Faites confiance aux apprenants et les connaissances émergeront,
  • Modifiez le rôle de l’expert qui agit maintenant comme guide et non comme dispensateur de savoir.

Bien sûr, ils pourront se tromper, mais l’erreur est source d’apprentissage et l’expert est là pour récupérer et stabiliser les connaissances. Finalement, une règle est fiable : on enseigne le moins possible et le plus tard possible dans la séquence d’apprentissage!

Pour apprendre le cerveau doit faire un effort

Dans un tel contexte, les apprenants auront investi de l’énergie, ils auront travaillé à la construction de leurs propres connaissances et leur intérêt sera décuplé. Mais pour effectuer un tel changement de paradigme, il faut demander de l’aide aux spécialistes en ingénierie pédagogique ou en pédagogie. Les experts peuvent difficilement y arriver par eux-mêmes. La pédagogie n’est pas une science infuse qu’on maîtrise du simple fait d’avoir été scolarisé!

En conclusion

Et si on osait regarder la vérité en face, on admettrait que les formations transmissives ressemblent à des coups d’épée dans l’eau! Et on oserait aller plus loin en créant des scénarios d’apprentissage qui forcent le participant à s’installer au volant!

Pour aller plus loin : 

Conception pédagogique : créer des formations engageantes et efficaces

 

Transformation pédagogique : passer de la présence à la distance

[1] Consulter les écrits de Steve Masson, notamment son dernier ouvrage : Activer ses neurones: pour mieux apprendre et enseigner.

Photo de ETA+ sur Unsplash

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