Comprenons-nous bien, la créativité ce n’est pas (seulement) peindre la Joconde ou composer la symphonie fantastique, c’est aussi trouver une idée face à une situation nouvelle. Plus spécifiquement, nous pourrions dire que c’est l’habileté de produire un artéfact nouveau, original et utile qui répond à un besoin identifiable, en recombinant d’une manière différente des concepts déjà intégrés.
Pourquoi approfondir sa compréhension de la créativité
Au sens large, comprendre permet de maîtriser et d’améliorer. Si je comprends l’usage d’un outil, je peux le manier avec dextérité, si je comprends la mécanique automobile je peux réparer ou améliorer les performances du moteur… si je comprends les mécanismes de la pensée créative je peux les encourager et les renforcer.
D’autre part, comprendre les processus sous-jacents à la créativité permet de se débarrasser des idées préconçues et d’être en mesure de :
- s’entraîner pour s’améliorer (sans réelle solution à trouver)
- comprendre comment notre processus personnel fonctionne (développer sa métacognition créative)
Deux exemples d’outils pour stimuler la créativité:
Jouer à des jeux sérieux (seul ou entre collègues)
Plusieurs petits jeux existent (ou peuvent être développés), comme , Mot de passe, Complète le dessin, etc. dans le but de pratiquer les sous-processus, comme la flexibilité cognitive (verbale ou figurative). L’important est de prendre conscience de la recherche d’idées que l’on fait en jouant. Le partage de réponses entre individus est aussi intéressant pour donner plus de pistes de réflexion, utiliser le socioconstructivisme comme stratégie d’apprentissage (le socioconstructivisme souligne l’importance des interactions sociales et le rôle de la culture dans la création de connaissances).
En pratiquant au travers des jeux, on facilite la prise de conscience des processus et leur adoption ultérieure dans la réalité du travail (par exemple lors du prochain remue-méninge d’équipe).
Produire un cahier d’observations
Il est important d’accumuler beaucoup de connaissances ou d’informations variées pour se construire un réseau complexe et profond de concepts. Celui-ci sera utile afin de créer des liens, potentiellement nouveaux et inattendus, entre des concepts éloignés. Un cahier d’observations permet de développer notre faculté d’observation, notre pensée critique tout en étant une mémoire externe aidant à retenir les faits, les conversations, les images rencontrés chaque jour. Par exemple, c’est ce type de connexion qui a peut-être permis à l’inventeur de la Xbox Kinect (la console de jeu avec un accessoire qui détecte les mouvements du joueur), de faire le lien entre les portes à détection automatique et sa nouvelle approche du jeu vidéo.
Trois exemples d’approches pour favoriser la créativité
SCAMPER
Scamper est une technique qui permet de structurer l’idéation en fonction d’avenues spécifiques, selon des orientations particulières. Le nom est en fait un acronyme qui résume 7 étapes clés pour générer des idées innovantes en vue d’améliorer un produit ou un service.
Les illustrations détaillent chaque étape à partir du même produit, ici une pomme de terre. Elles sont accompagnées d'exemples plus industriels.
S -> Substituer : Remplacer un élément par un autre. Qu’est-ce qui pourrait être remplacé? Ex. Substitution des claviers physiques sur les cellulaires au profit des claviers tactiles. |
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C -> Combiner : Fusionner deux éléments. Que pourrions-nous combiner pour multiplier les usages possibles ? Ex. Les toilettes japonaises qui intègrent un jet d’eau et ainsi fusionnent wc et bidet. |
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A -> Adapter : Placer son concept dans un autre contexte. Existe-t-il quelque chose de semblable, mais dans un autre contexte? Ex. Les constructeurs automobiles utilisent une seule et même plateforme pour développer aussi bine un coupé sport, qu'une berline familiale ou un VUS. |
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M -> Modifier : Changer la signification, la couleur, la forme, la grandeur, etc. Peut-on changer la signification, la couleur, le mouvement, le son, l’odeur, la forme? Ex. Modifier l’apparence des ordinateurs (uniformément beiges fut un temps) pour en faire de vrais objets de décoration, colorés et sympathiques, comme le premier iMac. |
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P -> Produire (Put-to-another-use) : Trouver d’autres utilisations si l’élément est modifié. L’élément peut-il être modifié pour être utilisé dans un autre concept? |
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E -> Éliminer : Retirer certaines parties de l’élément. Quelles parties peut-on retirer de l’élément? |
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R -> Renverser/Ré-organiser : Inverser certaines parties de l’élément ou les réorganiser. Existe-t-il d’autres dispositions? |
(images Étudiants Polytechnique Montréal IND8108, Prof.: Sophie Morin.)
Commentaires généraux sur Scamper
- Comme le montre les illustrations avec la pomme de terre, cette approche s’applique sur une idée existante dans le but de l’améliorer, la rendre potentiellement plus créative.
- Il est fort possible que lors de vos séances certaines lettres se recoupent, ce n’est pas grave du tout, l’important c’est d’avoir l’idée, peu importe la lettre
Le biomimétisme
Le biomimétisme consiste à s’inspirer du vivant pour innover. Nous parlons ici aussi bien des aspects physiologiques, biologiques ou comportementaux, des écosystèmes et même des modes de vie des animaux comme des végétaux.
(images Étudiants Polytechnique Montréal IND8108, Prof.: Sophie Morin.)
Cette imitation du vivant n’est pas nouvelle, on en retrouve les traces dans les recherches de Léonard de Vinci (ses machines volantes sont clairement inspirées des oiseaux) et il est probable que la démarche soit bien antérieure.
Particularité du biomimétisme : il peut s’appliquer à des enjeux aussi bien micro que macro.
Commentaires généraux sur le biomimétisme
- Le biomimétisme est une technique potentiellement très puissante puisque la Nature est remplie de solutions existantes dans de nombreux domaines.
- Seul bémol, elle est souvent difficile d’application puisqu’il faut faire beaucoup de recherches pour connaître « cette Nature » et transférer les principes au problème à solutionner.
Le stimuli aléatoires
(images Étudiants Polytechnique Montréal IND8108, Prof.: Sophie Morin.)
Ne pas se limiter quant à la nature des liens entre la problématique et le stimulus. L’association d’idées peut se faire de trois manières : Contiguïté (proximité), Similarité ou Contraste. Il s’agit « simplement » de trouver des points, des caractéristiques, des liens entre le stimulus et la problématique.
Exemple 1 : Comment attirer plus de gens aux cycles supérieurs? Stimulus : un poisson clown. Réponse : organiser des activités de rencontres au BAC dans des endroits comme un aquarium, à un spectacle humoristique ou au Cirque pour stimuler la cohésion et le partage d’expériences d’anciens étudiants et ce dans un contexte plus excitant qu’un 5@7 de vins et fromages.
Exemple 2 : Comment faire participer plus de gens aux sessions d’idéation de l’organisation? Stimulus : un bruit de clochettes.
Un bruit de clochettes c’est festif, ça fait penser à Noël, c’est délicat, joli, musical, joyeux. Pourquoi ne pas inviter quelqu’un pour faire un spectacle ou une conférence avant la session d’idéation. Beaucoup de points positifs pour stimuler la créativité : événement rassembleur, ouverture d’esprit, changement de contexte habituel, partage d’une expérience.
Commentaires généraux sur les stimuli aléatoires
- Vraiment simple comme processus, pas de démarche compliquée ou d’étapes à suivre, il s’agit de « forcer » une connexion entre le stimulus et la problématique.
- Il est important de ne pas utiliser trop de stimuli par période d’idéation et de ne pas changer si le stimulus ne semble pas inspirant. Il faut creuser la réflexion!
- Peut apparaître ludique et difficile d’accès au premier regard, il faut un peu de pratique et pouvoir faire confiance au processus d’idéation
Conclusion
Pratiquer les activités proposées plus haut est une bonne façon de “dédramatiser” le processus créatif tout en favorisant son intégration en tant que mode de pensée plus habituel.
Pour aller plus loin :
Créativité : mettre l'idéation au service de l'organisation
Image Towfiqu Barbhuiya pour Unsplash